Histoire de la maison
Construction et fonction de la maison
Si l'origine de la construction est incertaine, sa destination première est beaucoup plus connue.
C'était une étable destinée à recevoir une douzaine de vaches pendant la bonne saison et peut-être toute l'année (incertain), grâce à l'importante réserve de fourrage dans la grange. Le lait était traité sur place, dans la cuisine, transformé en fromages, affinés dans la cave (anciennement voûtée).
Le bâtiment était initialement couvert de lauzes en schistes (30cm * 50cm environ), extraites à même la montagne. L'arrivée sur le marché conduit en 1935 au remplacement du toit originel par un toit en tôles galvanisées comme il en existe encore sur les Chalets de la Grande Buffe. La grange, accessible directement de l'extérieure par la rampe, permettait au mulet chargé de deux trousses de foin de décharger directement. Le sol de la grange était constitué par des dosses de mélèzes posées alternativement face bombée-face plane, recouvertes de mélange schistes-argile-bouse d'épaisseur 5 à 10 cm compacté directement par le troupeau conduit dans la grange pour la circonstance.
Photo n°1 - 1978, vue générale du chalet côté Sud
Comme on peut le constater encore, les murs sont bâtis en pierres sèches prélevées dans les torrents, avec un mélange harmonieux de schistes, calcaires de couleurs, tuffes particulièrement bien intégrés au paysage. Le liant entre pierres, constitué par un mélange argilo-schisteux, permet de boucher les nids entre deux rangs de pierre, mais ne les fait pas adhérer entre elles comme le ciment moderne ou la chaux des romains.
Ceci explique la la fragilité de ces édifices, dès que le toit n'assure plus la protection contre l'eau et la neige, et pourquoi toutes les ruines environnantes ne sont qu'un simple tas de pierres que la végétation et le passage des troupeaux transforme en une vingtaine d'année en un petit tumulus à peine visible.
Ce chalet, associé à un alpage environnant de 90 hectares environ, appartenait jusque dans les années 50 aux consorts SIONNET ; l'ensemble était localement connu et désigné sous le nom de "Buffe des Sionnet". Le règlement de la succession a conduit en 1962 à la vente aux enchères et à l'acquisition par Henri JARTOUX.
Les choses sont restées en l'état une quinzaine d'années, l'alpage étant exploité par la transhumance, dans un premier temps de vaches puis de moutons comme c'est encore le cas. Seule la chambre du chalet était alors utilisée et l'absence d'entretien a conduit rapidement à une détérioration importante.
Photo n°2 - 1978, vue générale du chalet côté Nord-Est
En 1978, Pierre JARTOUX (fils d'Henri), Marie-Thérèse son épouse et leurs enfants sont venus visiter la BUFFE, ils furent conquis par le site et décidèrent de sauver le bâtiment et si possible de limiter l'érosion de la montagne.
À partir de ce moment-là nous avons commencé à nous informer, à frapper à différentes portes - élus locaux, Parc des Écrins, Eaux et Forêts, RTM (Restauration des Terrains de Montagne), DDA (Direction Départementale de l'Agriculture), agriculteurs locaux - afin de trouver le meilleur moyen de sauver la montagne et éventuellement le chalet.
Achat et travaux de sauvegarde du chalet
Il s'est avéré que le seul moyen de sauver la montagne était d'intégrer l'Alpage dans une structure juridique apte à le gérer et habilitée à recevoir des subventions nationales permettant de faire face aux travaux importants de sauvegarde (maîtrise des torrents, mise en défend de certaines zones de pâture, assainissements et draînages, plans de pâture, entretien des voies d'accès, etc...) ; cette structure c'est l'AFP (Association Foncière Pastorale), régie par une loi de 1974. Cette AFP, après bien des hésitations, existe depuis 1985 et son action se met en place lentement, trop lentement sans doute... Quant au chalet, nous avons rapidement compris que pour le sauver, il n'y avait pas d'autre moyen que de nous prendre par la main et d'y adjoindre nos économies.
C'est ce qui se fait progressivement, lentement mais sûrement, si du moins certains visiteurs indélicats ne viennent pas - à l'instar de Pénélope - détruire au cours de leurs randonnées de printemps, ce que nous avons essayé de construire l'été précédent.
Photo n°3 - 1978, vue générale du chalet côté Sud-Est
Voici à ce jour ce qui a été fait et ce que nous souhaitons encore pouvoir faire.
Empêchement du glissement de la maison et évacuation de l'eau
En 1978 la cave et la montée de grange sont effondrées, l'ensemble du chalet a une fâcheuse tendance à glisser sur sa fondation dans une direction Nord-Sud (le mur Nord pénètre vers l'intérieur de l'étable, le mur Sud "fait le ventre" vers l'extérieur) ; et l'eau de ruissellement du toit pénètre dans l'étable par le mur Nord et contribue à son effondrement. Le sol de l'étable et de la cuisine - laissé aux moutons - sont recouverts d'une épaisse couche de fumier qui annule complètement l'effet du réseau d'écoulement de l'étable, permettant ainsi de maintenir humide le bas des murs et de favoriser le glissement du bâtiment (photos n°1 à 4).
Photo n°4 - 1978, les restes de la cave
Dès 1979 nous avons pris des mesures d'urgence permettant de rétablir l'écoulement à l'intérieur de l'étable (enlèvement de 120 brouettes de fumier !), de réduire la pénétration de l'eau (caniveau d'évacuation de l'eau de pluie côté Nord), ainsi que le rétablissement de l'exutoire originel de l'étable vers le torrent des Roches Rouges. Nous avons ensuite étayé les poutres supportant le plancher et le toit de la grange, butonné la poutre longitudinale de l'étable sur le bas flanc de la mangeoire Sud afin de gêner ce mouvement de glissement (photos n°5 à 7). Nous avons également enlevé un certain nombre de détritus laissés par des visiteurs indélicats (militaires en manœuvre et autres).
Après cela nous avons réfléchi à des mesures à caractères plus définitif et plus onéreuses !
Photo n°5 - 1979, butonnage de la poutre centrale dans l'écurie
Photo n°6 - 1979, étaiement du plancher de la grange
Photo n°7 - 1979, fouilles et mise à jour de l'ancienne montée de grange
En 1983 nous avons entrepris la restauration et la réparation de la structure du chalet, dans le style mais pas à l'identique - le mortier de ciment remplaçant le mélange terre argileuse-schiste. Le mur Nord de l'étable a été reconstruit ainsi que les murs de la cave ; la périphérie du bâtiment a été drainée de façon à assainir la base des murs et éviter le glissement du bâtiment, probablement sous l'effet de la poussée de la masse neigeuse accumulée sur la partie Nord alors que la partie Sud est dégagée (photo n°8).
Photo n°8 - 1983, réfection du mur Nord-Est de la cave
Reconstruction du toit
En 1984, apparemment au mois de février, une tornade de vent est passée dans la région, la porte de grange étant restée ouverte, le vent s'est engouffré sous le toit, l'a soulevé et l'a déposé à côté du chalet (photos n°9 à 13). Les tôles étant partiellement détruites, la question s'est posée de choisir le type de couverture en accord avec le chalet et le paysage. Trois solutions étaient possibles : revenir à la solution originale de la couverture en lauzes locales, mais il était impossible d'en trouver suffisamment, utiliser les bacs en tôle peinte couleur brune adoptés pour les constructions récentes, utiliser le bardeau de mélèze - pas très employé dans cette vallée à la suite de nombreux incendies au milieu du XVIIIe siècle, mais très utilisé dans les vallées voisines -, parfaitement adapté au site après qu'il ait pris sa patine naturelle. C'est cette solution que nous avons retenue et qui fut mise en œuvre à l'automne 1984, le bâtiment sans toit étant incapable de supporter un nouvel hiver. Dans le même temps, le sol de la grange ayant été délavé par la pluie et la neige, les dosses de mélèzes ont été dégagées. (photos n°14 et 15).
Photo n°9 - 1984, le chalet en août après la tornade de février
Photo n°10 - 1984, vue côté Sud
Photo n°11 - 1984, vue côté Nord
Photo n°12 - Toussaint 1984, réfection du toit avec les premières neiges aux Rachas
Photo n°13 - 1984, réfection du toit avec vue sur le massif de la Meije
Photo n°14 - 1984, vue générale des travaux
En 1989 nous avons reconstruit la montée de grange, réalisé la couverture de la cave. Également nous avons entrepris la réhabilitation de l'intérieur pour le rendre habitable (chambre et cuisine), remis en état les menuiseries et la cheminée, refait le plancher de la chambre attaqué au piolet... sans doute par des visiteurs de mentalité un peu particulière ! (photos n°16 à 18).
Photo n°15 - 1989, vue générale des travaux
Photo n°16 - 1989, le chalet côté sud est
Photo n°17 - 1989, le chalet côté montée de grange
Photo n°18 - 1989, couverture de la cave et essais de plantation
Nous en sommes donc là et si vous êtes en train de lire le document originel de cette publication (un porte-vues bleu à l'intérieur du chalet), c'est que délibérémment nous avons laissé le chalet ouvert afin de supprimer toute raison d'effraction sauvage. Nous espérons pouvoir faire comprendre notre message et que chacun de vous nous y aidera.
Pour le futur nous essayerons de poursuivre la restauration, dans la mesure de nos moyens. Nous souhaitons redonner à l'étable son aspect original avec râtelier et planches de mangeoires en mélèze ; nous reconstruirons aussi le sol de la grange, en laissant les dosses de mélèze apparentes en sous-face, afin que la grange soit habitable pour les amis de la montagne qui sont aussi nos amis.
C'est à ceux-là que nous nous adressons, nous les espérons nombreux et toute la famille leur adresse ses amicales salutations.